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Walderhog ce que vous désirez; mon bras est dévoué, comme le vôtre, au prisonnier de Munckholm.
Puis élevant la voix, avant qu'Ordener eût pu répliquer:
 Frère, bonne soeur Maase, poursuivit-il, recevez ce respectable jeune homme comme un frère de plus.
Allons, je crois que le souper est prêt.
 Quoi! interrompit Maase, vous avez sans doute décidé sa courtoisie à renoncer à son projet de visiter le
démon?
 Soeur, priez pour qu'il ne lui arrive point de mal. C'est un noble et digne jeune homme. Allons, brave
seigneur, prenez quelque nourriture et quelque repos avec nous. Demain je vous montrerai votre chemin, et
nous irons à la recherche, vous de votre diable, et moi de mon ours.
XXIX
Compagnon, eh! compagnon, de quel compagnon es-tu
donc né? de quel enfant des hommes es-tu provenu
pour oser ainsi attaquer Fafnir?
Edda
XXIX 148
Han d'Islande
Le premier rayon du soleil levant rougissait à peine la plus haute cime des rochers qui bordent la mer,
lorsqu'un pêcheur, qui était venu avant l'aube jeter ses filets à quelques portées d'arquebuse du rivage, en face
de l'entrée de la grotte de Walderhog, vit comme une figure enveloppée d'un manteau, ou d'un linceul,
descendre le long des roches et disparaître sous la voûte formidable de la caverne. Frappé de terreur, il
recommanda sa barque et son âme à saint Usuph, et courut raconter à sa famille effrayée qu'il avait aperçu l'un
des spectres qui habitent le palais de Han d'Islande rentrer dans la grotte au lever du jour.
Ce spectre, l'entretien et l'effroi futur des longues veillées d'hiver, c'était Ordener, le noble fils du vice-roi de
Norvège, qui, tandis que les deux royaumes le croyaient livré à de doux soins auprès de son altière fiancée,
venait, seul et inconnu, exposer sa vie pour celle à qui il avait donné son coeur et son avenir, pour la fille d'un
proscrit.
De tristes présages, de sinistres prédictions l'avaient accompagné à ce but de son voyage; il venait de quitter la
famille du pêcheur, et en lui disant adieu la bonne Maase s'était mise en prières pour lui devant le seuil de sa
porte. Le montagnard Kennybol et ses six compagnons, qui lui avaient indiqué le chemin, s'étaient séparés de
lui à un demi-mille de Walderhog, et ces intrépides chasseurs, qui allaient en riant affronter un ours, avaient
longtemps attaché un oeil d'épouvante sur le sentier que suivait l'aventureux voyageur.
Le jeune homme entra dans la grotte de Walderhog, comme on entre dans un port longtemps désiré. Il
éprouvait une joie céleste en songeant qu'il allait accomplir l'objet de sa vie, et que dans quelques instants
peut-être il aurait donné tout son sang pour son Éthel. Près d'attaquer un brigand redouté d'une province
entière, un monstre, un démon peut-être, ce n'était point cette effrayante figure qui apparaissait à son
imagination; il ne voyait que l'image de la douce vierge captive, priant pour lui sans doute devant l'autel de sa
prison. S'il se fût dévoué pour toute autre qu'elle, il aurait pu songer un moment, pour les mépriser, aux périls
qu'il venait chercher de si loin; mais est-ce qu'une réflexion trouve place dans un jeune coeur au moment où il
bat de la double exaltation d'un beau dévouement et d'un noble amour?
Il s'avança, la tête haute, sous la voûte sonore dont les mille échos multipliaient le bruit de ses pas, sans même
jeter un coup d'oeil sur les stalactites, sur les basaltes séculaires qui pendaient au-dessus de sa tête parmi des
cônes de mousses, de lierre et de lichen; assemblages confus de formes bizarres, dont la crédulité
superstitieuse des campagnards norvégiens avait fait plus d'une fois des foules de démons ou des processions
de fantômes.
Il passa avec la même indifférence devant ce tombeau du roi Walder, auquel se rattachaient tant de traditions
lugubres, et il n'entendit d'autre voix que les longs sifflements de la bise sous ces funèbres galeries.
Il continua sa marche sous de tortueuses arcades, éclairées faiblement par des crevasses à demi obstruées
d'herbes et de bruyères. Son pied heurtait souvent je ne sais quelles ruines, qui roulaient sur le roc avec un son
creux, et présentaient dans l'ombre à ses yeux des apparences de crânes brisés, ou de longues rangées de dents
blanches et dépouillées jusqu'à leurs racines.
Mais aucune terreur ne montait jusqu'à son âme. Il s'étonnait seulement de n'avoir pas encore rencontré le
formidable habitant de cette horrible grotte.
Il arriva dans une sorte de salle ronde, naturellement creusée dans le flanc du rocher. Là aboutissait la route
souterraine qu'il avait suivie, et les parois de la salle n'offraient plus d'autre ouverture que de larges fentes, à
travers lesquelles on apercevait les montagnes et les forêts extérieures.
Surpris d'avoir ainsi infructueusement parcouru toute la fatale caverne, il commença à désespérer de
rencontrer le brigand. Un monument de forme singulière, situé au milieu de la salle souterraine, appela son
attention. Trois pierres longues et massives, posées debout sur le sol, en soutenaient une quatrième, large et
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Han d'Islande
carrée, comme trois piliers portent un toit. Sous cette espèce de trépied gigantesque s'élevait une sorte d'autel,
formé également d'un seul quartier de granit, et percé circulairement au milieu de sa face supérieure. Ordener
reconnut une de ces colossales constructions druidiques qu'il avait souvent observées dans ses voyages en
Norvège, et dont les modèles les plus étonnants peut-être sont, en France, les monuments de Lokmariaker et
de Carnac. Édifices étranges qui ont vieilli, posés sur la terre comme des tentes d'un jour, et où la solidité naît
de la seule pesanteur.
Le jeune homme, livré à ses rêveries, s'appuya machinalement sur cet autel, dont la bouche de pierre était
brunie, tant elle avait bu profondément le sang des victimes humaines.
Tout à coup il tressaillit; une voix, qui semblait sortir de la pierre, avait frappé son oreille:
 Jeune homme, c'est avec des pieds qui touchent au sépulcre que tu es venu dans ce lieu.
Il se leva brusquement, et sa main se jeta sur son sabre, tandis qu'un écho, faible comme la voix d'un mort,
répétait distinctement dans les profondeurs de la grotte:
 Jeune homme, c'est avec des pieds qui touchent au sépulcre que tu es venu dans ce lieu.
En ce moment, une tête effroyable se leva de l'autre côté de l'autel druidique, avec des cheveux rouges et un
rire atroce.
 Jeune homme, répéta-t-elle, oui, tu es venu dans ce lieu avec des pieds qui touchent au sépulcre.
 Et avec une main qui touche une épée, répondit le jeune homme sans s'émouvoir.
Le monstre sortit entièrement de dessous l'autel, et montra ses membres trapus et nerveux, ses vêtements
sauvages et sanglants, ses mains crochues et sa lourde hache de pierre.
 C'est moi, dit-il avec un grondement de bête fauve.
 C'est moi, répondit Ordener.
 Je t'attendais.
 Je faisais plus, repartit l'intrépide jeune homme, je te cherchais.
Le brigand croisa les bras.
 Sais-tu qui je suis?
 Oui.
 Et tu n'as point de peur?
 Je n'en ai plus.
 Tu as donc éprouvé une crainte en venant ici?
Et le monstre balançait sa tête d'un air triomphant.
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Han d'Islande
 Celle de ne pas te rencontrer.
 Tu me braves, et tes pas viennent de trébucher contre des cadavres humains!
 Demain, peut-être, ils trébucheront contre le tien.
Un tremblement de colère saisit le petit homme. Ordener, immobile, conservait son attitude calme et fière.
 Prends garde! murmura le brigand; je vais fondre sur toi, comme la grêle de Norvège sur un parasol.
 Je ne voudrais point d'autre bouclier contre toi.
On eût dit qu'il y avait dans le regard d'Ordener quelque chose qui dominait le monstre. Il se mit à arracher
avec ses ongles les poils de son manteau, comme un tigre qui dévore l'herbe avant de s'élancer sur sa proie. [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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